Avec un phénomène comme Al-Qaïda ou Daech, soi-disant Etat Islamique, mais aussi avec des attentats meurtriers qui ont frappé la France et l’Europe, le mot de radicalisation s’est imposé à tous. C’est un mot qui n’est pas facile à appréhender car finalement, « qu’est-ce qu’être radicalisé ? »

On pourrait dire que dans les années 1960, les jeunes gens qui se reconnaissaient dans le maoïsme ou dans le castrisme pourraient apparaître comme des marxistes radicalisés. On peut voir ici et là les groupes dits identitaires tentés par la violence contre les jeunes immigrés, dont on peut dire qu’ils radicalisent certaines idées de l’extrême droite. Mais en fait dans les médias, dans les opinions, le radicalisé, c’est le musulman radicalisé.

Alors il faut essayer de comprendre ce phénomène dans sa complexité, car dès qu’on a une explication, on a d’autres faits qui invalident cette explication. Certains disent que la radicalisation est liée aux conditions sociales, ce sont des jeunes qui viennent des quartiers prioritaires. Or, ce n’est pas toujours vrai. On dit que ce sont des gens qui fréquentent la mosquée mais parfois ce sont aussi des familles de classe moyenne de tradition chrétienne qui voient leurs jeunes adolescents basculer. On dit que ce sont des gens qui sont passés par Internet, mais ça peut être aussi un groupe de copains dans le quartier qui s’enflamment et entrainent du monde dans cette spirale. Quand on regarde qui sont les jeunes radicalisés suivis par les cellules d’accompagnement, on s’aperçoit que d’abord, ce sont des très jeunes gens et souvent des jeunes filles. Fethi Benslama vient de montrer que la radicalisation ne pouvait pas se comprendre sans une réflexion sur les difficultés pour un adolescent de se situer dans la société des adultes. Qu’est-ce qui fait l’unité de ce phénomène de la radicalisation ?

D’abord, on peut dire que c’est une certaine forme d’engagement total jusqu’à la mort, et donc une certaine disposition psychologique qui n’est pas forcément partagée par la majorité.  On s’aperçoit aussi que c’est un univers de représentations, un univers cognitif. C’est une pensée extrême. Elle ne laisse aucune place à la contradiction mais laisse toute la place aux complots : tout ce qui vous disent les institutions, c’est faux ; cet univers paranoïaque structure les comportements radicalisés. Et le troisième secteur d’unité de la radicalisation, c’est le fait que ces jeunes prennent au sérieux la promesse de l’Etat Islamique. C’est-à-dire la promesse de réalisation du Califat, une voie glorieuse vers une vie qui a enfin un sens.

Alors toute l’Europe réfléchit à une question simple : comment récupérer ces jeunes qui ont été radicalisés ? Comment empêcher les jeunes de basculer dans la radicalisation ? Quand on voit que ça peut se faire rapidement, que ce n’est pas toujours détectable, parce que ce ne sont pas toujours des jeunes qui ont connu la délinquance ou des difficultés sociales. Donc aujourd’hui, beaucoup d’expériences sont menées en Grande Bretagne, au Pays bas, en Allemagne, en France pour mettre en place des dispositifs pour comprendre cette maladie qui s’est emparée de l’Europe, la France et la Belgique en premier.